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 · MEDIUM · NOUVELLE-ORLEANS · AMERIQUE ·

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Ma grand-mère m'a dit qu'il ne faut pas essayer de définir le mal, parce que dès qu'on croit y être parvenu, une nouvelle forme de mal vous apparaît soudain et s'insinue dans vos pensées.

Une naissance dont l'ensemble des facteurs étaient prédéterminés avec la même méticulosité vigilante que celle d'un horloger à son ouvrage. Rien n'avait été laissé au hasard, tout devait minutieusement s'enchainer, jusqu'au jour où il existerait par lui-même. Né blanc comme un os, sa mère réalisa à la vue de ce nourrisson immaculé l'ampleur des responsabilités qui l'attendaient, et le confia à la personne la plus digne de confiance qu'elle connaissait, sa propre mère, une femme à l'âge déjà bien avancé dont la renommée parmi les sorciers n'était plus à faire : elle avait unifié les mystiques de la Nouvelle-Orélans sous un même coven, et il n'y en avait pas un en Floride qui puisse même songer à rivaliser.

Mais dissimuler au monde les prédispositions idéales de l'enfant nécessitait une attention de chaque instant et une énergie colossale qui l'obligèrent à quitter ses responsabilités au sein du coven qui, sans son égide, se subdivisa. Contenir l'aura de cet enfant eu des conséquences terribles sur ce dernier qui grandit étouffé, assourdi et aveuglé par ses sens surdéveloppés qui occultaient sa perception du monde tangible. L'enfant ne parlait pas, n'entendait pas, et semblait réagir à des stimulations imaginaires, mais témoignait qu'une considération étonnante pour le vivant. Il restait parfois des heures sous la pluie, immobile, si il pensait que le moindre pas risquait de briser l'exosquelette fragile d'un escargot.

Durant des années, jusqu'à son adolescence, sa grand-mère n'eut pas l'air de prendre une ride. Elle était l'octogénaire la plus formidable qu'on ait vu, et la seule à dévoiler son âge avant autant de plaisir. Ghost commençait à discerner ce qui était perçu des autres et ce qui l'était de lui seul, mais des années de marginalisation l'avaient tenu à l'écart d'une société dont le fonctionnement lui sembla vite absurde et cruel. Parallèlement, Miz (un surnom dérivé de "miss" comme on l'appelait dans le quartier pour saluer son étonnante jeunesse) se mit soudainement à vieillir, et inévitablement, décéda. Cette perte incommensurable rompit les liens qui retenaient encore Ghost ici, et il partit sur le chemin que ses voix le poussaient depuis si longtemps à emprunter. Un adieu sans larme puisqu'il retrouvait sa grand-mère, aussi souvent qu'il le souhaitait, dans l'Autre Lieu.

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